samedi 6 juillet 2013

Doëlan l’oublié...

                                                                                                        
Bonjour, je m’appelle  Doëlan  et j’ai le sentiment depuis quelque temps que l’on m’oublie.  Je ne comprends pas cette ingratitude. En effet, par exemple, je relève que  le site officiel du Tourisme en Bretagne commence par ceci pour me présenter : « c’est le port modèle, prêt à poser pour de superbes souvenirs ! Un petit joyau maritime dans un écrin de vallons et de vergers… ». Et j’avoue que lorsque j’observe la foule  de mes admirateurs je me laisse bercer par ces louanges. Au diable la modestie !

Il  arrive aussi que l’on change mon nom. Je m’appelle de temps en temps « Port-Garrec », mais ça n’a pas d’importance, c’est de la télé, ce n’est pas sur la carte.  Doëlan je suis, Doëlan je reste.

J’ai bonne mémoire, mais je ne vous parlerai pas de ma naissance, dans la première moitié du XIe siècle, ni des peintres qui m’ont portraituré, ni de la nombreuse flottille de pêche de l’entre-deux-guerres, pas plus que de celle de l’après-guerre, ni de ces pêcheurs durs au labeur, parfois pêcheurs le matin et paysans l’après-midi, qui ont fait ma réputation, qui ont façonné ma personnalité,  ni des ouvrières et des ouvriers qui ont tant travaillé dans les  conserveries et leurs devancières : les presses à poisson, ni de tous ces gens modestes et des quelques entrepreneurs qui m’ont fait ce que je suis.

Je ne vous parlerai que de la petite histoire. Plus exactement de l’histoire de ces toutes  dernières années. J’ai bonne mémoire, mais on ne sait jamais, j’ai pris des notes.

Ainsi, j’ai retenu  qu’il était alors question de ma protection (maintien en état de mes ouvrages portuaires), de me faire entrer dans l’ère du  développement durable en me dotant d’une aire de carénage, et de maintenir à un niveau raisonnable le coût des redevances des mouillages de mes chers bateaux. À ce propos, on m’avait même fait des promesses chiffrées… J’ai bonne mémoire, mais j’ai pris des notes… (1)

v  Aujourd’hui, j’ignore si je suis efficacement protégé.  Ce que je sais, c’est que Je tremble depuis que j’ai appris que la digue de Locmaria, ma voisine de Groix, a été éventrée lors d’une tempête au mois de mars dernier (2). Pourvu que le môle de la Grande-Vache tienne bon, car il a été décidé de ne pas y faire les travaux nécessaires ! (3). Pourtant, ils doivent être importants, vu la somme couramment citée (plus de 500 000 €). Et s’ils sont si importants, je me dis que mon brise-lames est affaibli. Ma protection a donc été confiée à la divine providence, à la chance devrais-je dire, pour ne froisser personne. Et pourtant, lors des nombreuses dépressions de l’automne  et de l’hiver derniers, les coups de boutoir endurés par mon bouclier m’inquiétaient, même s’il  en a vu d’autres, en même temps qu’ils préoccupaient fort les gens de mer qui connaissent bien les limites d’un tel ouvrage et imaginent aisément les ravages qui se produiraient s’il cédait.

v  Aujourd’hui, je ne possède pas d’aire de carénage, indispensable aux pêcheurs professionnels et à certains plaisanciers. Comment vont faire les pêcheurs professionnels pour faire caréner leur bateau, leur outil de travail ? Aller à Concarneau ? Utiliser la bâche filtrante (elle n’est sans doute destinée qu’à filtrer la mauvaise humeur de mes usagers !). Pourtant un dossier a été établi sur la question. Sur quel haut-fond  a-t-il échoué ? Pourquoi a-t-il été abandonné, sabordé, après quel débat ? A-t-on envisagé une installation partagée avec mes voisins moëlanais ? Ce n’est donc pas cette année que j’entrerai dans l’ère du développement durable !

Alors, imaginez mon désarroi, ma gêne de devoir constater que mon hospitalité est monnayée contre des tarifs aussi brutalement relevés alors que le service rendu n’a pas été amélioré dans des proportions identiques (4).  Les plus modestes sont touchés, certains même s’en sont allés, sans faire de bruit. Ils sont devenus de simples terriens (5).  Je les regrette déjà.

« Désoubliez-moi ! »

Je suis encalminé, mais je n’accepte pas cette  fatalité.  Donnez-moi le souffle qui me fera avancer.  Alors, je retrouverai un élan pour prolonger mon histoire, pérenniser puis renforcer l’activité de la pêche, du tourisme,  encourager la plaisance, mieux accueillir mes visiteurs,  qu’ils viennent par mer, par route ou à pied par les sentiers côtiers, les retenir en ces  lieux rendus plus confortables qu’ils ne laisseront qu’à regret et qu’à peine quittés ils voudront retrouver.

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 (1) (4) Blog du PS de Clohars-Carnoët (lundi 7 janvier 2008 et dimanche 2 mars 2008) dans lequel il est  précisé que :
·       L’effort des années à venir devra porter essentiellement sur un développement durable de nos ports. Il faudra intégrer à Doëlan une aire ou cale de carénage, rationaliser la gestion des déchets portuaires, [quelle qu’en] soit la nature, et maintenir en état les ouvrages portuaires ;
·    les tarifs des deux ports ne seront pas uniformisés… Les situations n’étant pas équivalentes et le caractère populaire du port de Doëlan doit être maintenu. « Les tarifs augmenteraient certes, mais dans une fourchette plus restreinte d’ici 2013 ».

 Le constat est le suivant s’agissant des tarifs des mouillages dans la partie amont de Doëlan :

1.  pour un bateau de 4 mètres : 80 € en 2008 ; 243 € en 2013 (prévision : 162 €), soit un dépassement de 81 € (évolution x 3) ;
2.  pour un bateau de 6 mètres : 132 € en 2008 ; 352 € en 2013 (prévision : 242 €), soit un dépassement de 110 € (évolution x 2,7) !

      (2) Dimanche Ouest-France du 31 mars 2013.
(3) Ouest-France du 25 mars 2013.

(5) Voir le compte rendu de la réunion de l’assemblée générale de l’Association des pêcheurs-plaisanciers des ports de Clohars-Carnoët en date du 14 avril 2013.